Dissiper quelques malentendus sur Charlie Hebdo


Présentation de Charlie Hebdo

Charlie Hebdo est un journal hebdomadaire satirique fondé en 1970 par François Cavanna et le « professeur Choron » (pseudonyme de Georges Bernier). Il laisse une large place aux illustrations, notamment aux caricatures, et il pratique aussi le journalisme d’investigation.
Il s’inscrit dans une tradition de gauche et adopte une attitude critique vis-à-vis des pouvoirs en règle générale, et de la religion en particulier, dans l’esprit du mouvement de Mai 68. Clairement ce journal adopte une posture militante antireligieuse. On peut parler d’athéisme militant. Charlie Hebdo a, par ailleurs, toujours milité contre le racisme.

Des « unes » sur l’islam très minoritaires

Contrairement à l’accusation d’une « obsession » à l’encontre des musulmans, il ressort de cette statistique (remontant à 2015, et recensant les « unes » du journal entre 2005 et 2015) que les sujets religieux sont très minoritaires et qu’à l’intérieur de cette catégorie l’islam n’est l’objet que de 7 « unes », soit 1,3% des sujets abordés durant cette période.

Un journal au ton provocateur

Un journal comme Charlie Hebdo cherche-t-il à provoquer ? Oui et c’est son but. On doit pouvoir discuter avec les élèves de cette intention. Provoquer cela signifie faire réagir, faire réfléchir. Un journal peut s’autoriser une telle démarche. Chacun peut critiquer ces provocations, ne pas adhérer à leur contenu. En cas d’excès (diffamation, injure), la justice peut être amenée à se prononcer.
Lors du procès en 2007 contre la publication des caricatures de Mahomet, les juges reconnaissent que « dans une société laïque et pluraliste, le respect de toutes les croyances va de pair avec la liberté de critiquer les religions, quelles qu’elles soient » (source : https://www.liberation.fr/societe/2007/03/23/proces-charlie-les-caricatures-de-mahomet-relaxees_88293).

La caricature comme support pédagogique à l’enseignement de la liberté d’expression

Ce point de vue militant d’un journal se conçoit parfaitement dans un pays qui défend la liberté de la presse.
Dans les pratiques pédagogiques, les enseignants ne peuvent adopter ce même point de vue : ils défendent la liberté de la presse comme liberté démocratique et le droit d’un journal comme celui-ci, et d’autres, d’avoir des idées et de les défendre, dès lors qu’elles sont respectueuses du cadre légal. De la même façon, le droit à la caricature, dans les limites prévues par la loi, est reconnu.
En classe, le débat est souhaitable, en prenant appui sur des dessins de presse (sur des sujets politiques et sociaux par exemple). Il s’agit d’aider les élèves à comprendre le point de vue, le second degré, l’ironie. Une caricature doit susciter de la discussion, des prises de parole. Les élèves (comme les adultes) peuvent critiquer les caricatures, ne pas en apprécier l’humour, et l’exprimer. Donner le sentiment qu’on ne peut pas critiquer une caricature reviendrait à nier la liberté d’expression de l’élève. Celle-ci est souhaitable dès lors bien évidemment qu’elle ne contrevient pas à la loi (incitation à la haine et apologie du terrorisme, par exemple).
La caricature est un support pédagogique (dans les cours, et dans les évaluations).

La posture de l’enseignant

Enfin, l’enseignant est tenu à un devoir de réserve, de neutralité. Sa mission est bien de transmettre les valeurs de la République sans faire part de ses choix partisans. Il ne peut donc pas adopter la même attitude militante qu’un journal. En revanche, il défend la liberté de la presse, la liberté de débattre, le pluralisme (dans le respect des lois).
Samuel Paty n’a pas utilisé de caricature de Charlie Hebdo pour choquer ses élèves ou faire une provocation, mais afin d’expliquer l’histoire de ce journal et ce que sont les caricatures. Cela s’effectuait dans le cadre d’une séance d’enseignement moral et civique (EMC) au collège.

Lien : Tribune parue dans le journal Le Monde du 23 février 2015

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