Intégration dans le chapitre et mise en contexte
Le cas du port de Dieppe peut venir en complément de l’étude des explorations ibériques. Les ports normands n’étaient pas pionniers en la matière mais étaient néanmoins à la pointe des techniques de navigation de l’époque. En témoignent l’école de cartographie dieppoise et les nombreuses expéditions d’exploration, de course et de commerce parties de ces ports. Le rôle du célèbre armateur Jehan Ango peut ici être souligné.
Le port de Dieppe a gardé la trace de ces échanges avec des espaces lointains, que ce soit à travers l’artisanat de l’ivoire (importé d’Afrique dès le XVe siècle), ou avec des représentations encore visible comme la « Frise des sauvages » visible dans l’église Saint-Jacques de Dieppe.
L’expédition du capitaine Jean Parmentier, accompagné de son frère Raoul, et commanditée par Jehan Ango, part de Dieppe en 1529 et atteint Sumatra (Indonésie) quelques mois plus tard. Les péripéties de ce voyage nous sont connues grâce au journal de bord, accessible sur le site Gallica de la BNF
Pour approfondir sur les détails de cet épisode et le replacer dans son contexte historique, on peut se référer au récent ouvrage de Romain Bertrand, Les Grandes déconvenues. La Renaissance, Sumatra, les frères Parmentier, éditions Le Seuil, Paris, 2024.
Cette expédition, qui fut finalement un échec humain (mort des capitaines) et financier (échec des transactions) permet d’illustrer des réalités nuancées concernant les entreprises maritimes à l’époque moderne. Dans le détail, elle permet de mettre en évidence :
- les enjeux commerciaux à travers la recherche des épices.
- les risques et les menaces auxquels étaient confrontés les marins : maladies, attaques, errances, naufrages…
- les relations complexes avec les populations locales, avec un rapport de force qui n’est pas toujours favorable aux Européens.
- la diffusion des nouvelles connaissances géographiques : l’expédition s’appuie sur des connaissances cartographiques portugaises et emploie des navigateurs et interprètes portugais.
Par ailleurs, une comparaison de cette expédition avec les expéditions espagnoles et portugaises met en évidence la pluralité des modalités d’interaction entre Européens et non-Européens à l’époque moderne.
Déroulement de la séance
Le point de départ peut être le port de Dieppe lui-même à travers le « Pourctrait de la ville de Dieppe », gravure réalisée par François de Belleforest en 1575, publié sur Gallica.
Cette image, présentée aux élèves, permet d’évoquer les liens entre la ville et la mer, entre héritage médiéval (les remparts, qui montrent aussi l’importance stratégique de la ville, à défendre face aux Anglais) et modernité (des galions comparables aux navires ibériques). Il faut rappeler aux élèves la situation de Dieppe sur la façade atlantique, avec un arrière-pays riche : Rouen (2e ville du Royaume) et dans une moindre mesure Paris.
Dans une logique de classe inversée, les élèves auront à visionner, chez eux ou en salle informatique, la vidéo que j’ai pu réaliser sur l’expédition des frères Parmentier, disponible en ligne :
Pendant le visionnage, ou de retour en classe, un questionnaire leur est soumis.
Un échange avec les élèves permet de dégager les spécificités de cette expédition (enjeux commerciaux, difficultés rencontrées…) et de faire la comparaison avec des expéditions ibériques précédemment vues avec eux.
Pour approfondir la réflexion avec les élèves
Il est possible d’approfondir le sujet avec l’analyse des motifs de la frise dite « des sauvages » se trouvant dans l’église Saint-Jacques de Dieppe. Une fiche d’activité à faire en classe, ou à la maison, en complément du visionnage de la vidéo, invite les élèves à s’interroger sur les représentations stéréotypées de « l’Autre » dans un port pourtant en contact avec les espaces lointains.
La séance proposée ici peut être également adaptée pour le niveau Cinquième, dans le cadre du Thème 3 : « Transformations de l’Europe et ouverture sur le monde aux XVIe et XVIIe siècles », dans la partie « Le monde au temps de Charles Quint et Soliman le Magnifique ».